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Fortifications et patrimoine

Du béton, des vieilles pierres et de la 3D

La casemate du Mont des Bruyères

Le Nord de la France est depuis des siècles une voie d'invasion fréquemment utilisée par les armées voulant se rendre en France. Elle est de fait fortifiée en profondeur rapidement, des fortifications de Vauban à Maginot en passant par Séré de Rivières. Ce territoire est couvert par la I° Région Militaire, qui comprend au temps de l'édification de la ligne Maginot, quatre Secteurs Fortifiés, de Bray-Dunes à Anor.
Parmi eux, le Secteur Fortifié de l'Escaut est garni de fortifications dès 1931 par une série de casemates C.O.R.F. d'un plan spécial, propre au Nord sous la variante simple ou double. 

La casemate du Mont des Bruyères

Située au nord-ouest de la forêt de Raismes, la casemate du Mont des Bruyères est un exemple typique de casemate simple de flanquement type Nord. Ce type de casemate établi entre 1931 et 1933 a la particularité de posséder des créneaux décalés. Sa seule différence par rapport au plan-type est l'ajout d'une visière au-dessus de la caponnière d'entrée.

Lors de l'offensive de mai 1940, l'équipage de la casemate issue du 54e RIF assiste impuissant à la chute du secteur. Les Allemands franchissent l'Escaut et enfoncent la première ligne de résistance. L'équipage est évacué sur ordre pour rejoindre Lille puis Dunkerque où une partie est faite prisonnière.

La casemate est depuis plusieurs années restaurée par l'association Maginot Escaut.

La casemate du cimetière du Mont des Bruyères.
Les créneaux de la chambre de tir et la cloche GFM.

L'entrée de la casemate est protégée par deux portes blindées qui donnent accès à l'étage supérieur. Le visiteur est accueilli par un ventilateur associé à son filtre. Ce système assure la protection contre les gaz de combat par surpression.

Ventilateur type A (marche manuelle ou électrique) associé à son filtre.

A gauche, la caponnière, outre son rôle d'organe de défense rapprochée, sert de lieu de stockage (citerne d'eau) et de cantonnement supplémentaire.

Créneau pour fusil-mitrailleur de caponnière.
Aile de la caponnière servant également de petite cuisine.
Réservoir d'eau.

Comme nous l'avions dit plus haut, l'une des caractéristiques des casemates type Nord est la disposition en échelon refusé de la chambre de tir. Celle-ci dispose de deux créneaux pour jumelage de mitrailleuses, dont un interchangeable avec un canon antichar de 47 mm. Celui-ci sera livré plus tardivement par rapport à la construction de la casemate.

Porte de la chambre de tir.
La chambre de tir du côté du jumelage de mitrailleuse.
La chambre de tir du côté du canon antichar.

La chambre de tir de la casemate conserve un tube de canon de 47 mm, ce qui n'est pas courant.

Le tube du canon suspendu sur le bi-rail.
Détails de la bouche à feu.
Culasse pour canon de 47 mm de casemate.

Dans l'étage supérieur, l'on peut découvrir un fusain représentant un coq gaulois suivi d'une maxime patriotique. Elle est l'œuvre du chef de casemate, le sergent-chef Eugène Pintiaux (1913-2003) afin de donner confiance au personnel.

L'œuvre du sergent-chef Eugène Pintiaux dans son contexte.

L'imagerie du coq dont le chant prétendu impossible annoncerait la victoire de l'ennemi est héritée de la propagande de la Grande Guerre.

Fusain du sergent-chef Eugène Pintiaux.

Arrivés au bout de l'étage supérieur, le puits de la cloche GFM se dévoile. Ce cuirassement est destiné à l'observation et à la défense des dessus. L'équipement intérieur est constitué d'un plancher mobile pouvant être ajusté en hauteur selon la taille du guetteur ou ramené en position basse pour le cas où il serait nécessaire d'évacuer le guetteur inconscient.

Au pied de la cloche GFM, où se trouve également un fusil-mitrailleur pour la défense rapprochée.

La cloche est percée par cinq créneaux dont les équipements sont amovibles : épiscopes, fusil-mitrailleur ou mortier de 50 mm. Au sommet, un orifice permet de faire passer un périscope de type F1 afin de balayer d'un coup d'œil les alentours

L'intérieur de la cloche GFM.

Descendons l'escalier métallique pour rejoindre l'étage inférieur de la casemate. La physionomie des pièces est tout à fait similaire, à la différence de l'affectation qui n'est pas destinée au combat.

Local de repos sous l'emplacement de la cloche GFM.
L'escalier menant à l'étage supérieur.

La plus grande pièce de l'étage inférieur est la chambrée. C'est ici que l'équipage devait prendre ses repas, faute de local adéquat.

La chambrée.

La casemate dispose d'un puits équipé d'une pompe électrique.

Pompe et citerne.

L'alimentation électrique de la casemate se fait par un groupe électrogène CLM 1PJ65 d'une puissance de 8 chevaux.

Vue d'ensemble de l'usine électrique.

Le groupe est couplé à un alternateur (Ateliers d'Orléans) délivrant une puissance de 5 KWA sous 110/220V triphasé avec neutre. D'un point de vue réglementaire, l'alimentation électrique ne se fait qu'en période de combat, hors raccordement au réseau extérieur. Ainsi, l'éclairage se faisait via des bougies ou des lampes à pétrole.

Le CLM avec sa génératrice.

Enfin, dans le but d'évacuer l'air chaud de l'usine, un petit ventilateur est installé en hauteur. L'air extrait est évacué vers la chambre de tir. 

Ventilateur type F.

Le CLM ainsi que le ventilateur sont fonctionnels !

La casemate est ouverte durant le week-end des journées du Patrimoine et sur rendez-vous.

Sources et références
  • Documents anciens
Instruction provisoire pour les équipages de casemates isolées d'infanterie de région fortifiée du 30 juillet 1938.
Instruction provisoire sur le matériel en service dans les casemates d'infanterie de région fortifiée du 7 février 1938.
  • Bibliographie
Julien DEPRÉT, Le Nord, frontière militaire. Tome 2, Salomé, J. Depret, 2005, pp. 103-108.
Jean-Yves MARY, Alain HOHNADEL, Hommes et ouvrages de la ligne Maginot. Tome 2, Paris, Histoire & collections, 2001, p. 4.
Jean-Yves MARY, Alain HOHNADEL, Hommes et ouvrages de la ligne Maginot. Tome 3, Paris, Histoire & collections, 2003, p. 66.
Michaël SÉRAMOUR, Des arcs-en-ciel sous l'uniforme. Sur la trace des peintres et dessinateurs de la Grande guerre et de la ligne Maginot, Metz, Édition des Paraiges, 2021, pp.116-117.
Philippe TRUTTMANN, La Muraille de France, Thionville, Gérard Klopp, 2009, pp. 187-190.
 
  • Sitographie
Jean-Michel JOLAS, « Casemate CORF de flanquement simple type Nord Mle 1931 », Wikimaginot, 2017 [En ligne] consulté le 22/12/2024.
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